Musée Barbier-Mueller
Animaux exotiques ou fantastiques ? Introduction par Dre. Stéphanie-Aloysia Moretti, co-curatrice du projet
Bien que le terme « chimère » dérive du mot grec signifiant « jeune chèvre » et que nous connaissions le mythe de la Chimère grâce aux récits d’Homère et d’Hésiode, ce terme incarne avant tout l’idée de créatures hybrides, résultant d’un assemblage de différentes typologies d’animaux, voire d’êtres humains. Ces entités, souvent désignées sous le nom de Mixanthropes, illustrent une grande diversité d’associations que l’on retrouve dans de nombreuses situations, notamment dans le domaine mythologique, mais qui ont également trouvé leur place dans la littérature.
Ainsi, nous rencontrons des êtres fantastiques zoomorphiques, composés de parties d’animaux variés, et des êtres anthropomorphes qui comportent un élément humain : la tête dans le cas des sphinx ou des centaures, ou le corps dans le cas du Minotaure ou de certaines divinités égyptiennes.
Selon les écrits de Platon et d’Hérodote, nous savons que les Grecs ont voyagé en Égypte, ce qui a permis l’introduction de ces créatures dans le monde grec. Cependant, l’idée d’une créature formée d’un assemblage de différentes parties animales semble intrinsèquement liée au processus créatif depuis la nuit des temps.
En effet, une statuette datant de l’Aurignacien (38 000 ans avant notre ère), représente un humain avec une tête de lion. De même, sur les peintures pariétales du Magdalénien, datées d’environ 15 000 ans avant notre ère, nous trouvons des représentations d’humains dotés de cornes.
Ainsi, le concept d’un assemblage entre l’humain et l’animal est non seulement ancien, mais également répandu sur une vaste aire géographique. Les masques africains, par exemple, symbolisent ce lien entre l’humain et l’animal, tout comme les hommes-jaguar des Olmèques, les créatures du Temps des Rêves chez les Aborigènes, et les dragons qui se retrouvent du Japon à la Chine, en passant par la Scandinavie.
Il était donc essentiel d’inclure des êtres fantastiques issus de cultures non occidentales dans notre projet. C’est pourquoi nous avons naturellement invité le Musée Barbier-Mueller, qui abrite la plus importante collection privée au monde d’Antiquités tribales et classiques, ainsi que des sculptures, tissus et ornements provenant de diverses cultures d’Afrique, d’Océanie, d’Asie et des Amériques, à participer à cette exploration des chimères basées à Genève.
Singa
Entretien avec un expert – Tiré de : Jean Paul Barbier-Mueller, Indonésie et Mélanésie, Musée Barbier-Mueller, Genève, 1977
Le singa du Musée Barbier-Mueller
Le singa est un animal mythique de l’île de Sumatra, empruntant les traits du lion, du bœuf des eaux et du cheval. Caractéristique de l’art batak, il lie le monde des vivants et celui des morts. On le retrouve sous diverses formes et fonctions dont des éléments architecturaux terminant les poutres des maisons traditionnelles.
Le singa, c’est celui qui porte l’humanité. C’est aussi l’union des forces souterraines et des puissances supérieures, réunies dans [l’idée de] l’Arbre de Vie dont les racines plongent sous la terre et dont la cime touche le ciel. Symbole de fertilité sans doute, c’est avant tout celui sur qui repose la maison.
Sa tête de chaque côté de la maison prolonge la poutre maîtresse qui lui sert de corps.