Une intelligence artificielle peut-elle illustrer le travail des chercheurs du PRN ?
Une image vaut mille mots… même si elle est générée par une intelligence artificielle (IA) ? C’est ce que les chercheuses et chercheurs du Pôle de Recherche National (PRN) Evolving Language ont testé avec le projet “My work pictured by AI“. L’aventure n’était pas aussi facile qu’il n’y parait, car certains mots sont trop techniques pour le robot, alors que d’autres sont biaisés pour une définition en particulier. Mais après de (très) nombreuses itérations des message-guides, les résultats sont disponibles ! Vous pouvez les trouver ici.
Le PRN Evolving Language a demandé au robot MidJourney – une IA capable de générer des images en se basant sur un texte – d’illustrer le travail d’environ 30 de ses chercheuses et chercheurs. “Nous fournissons un message-guide – c’est-à-dire une instruction – au robot, en nous basant sur le titre et l’abstract que nous a donné la chercheuse ou le chercheur, ainsi qu’un style artistique. Nous sélectionnons ensuite les meilleurs résultats générés par l’IA,” explique Célia Lazzarotto du Bureau de Communication du PRN, chargée du projet. Les chercheuses et chercheurs ont eu leur mot à dire : elles et ils ont pu choisir les images qui leur plaisait le plus dans les propositions. Les résultats finaux sont disponibles depuis aujourd’hui sur le site web du PRN, chacun accompagné par un texte descriptif. Pensez-vous que l’IA ait réussi à capturer l’essence du travail des chercheuses et chercheurs ?
L'art de rendre la recherche accessible
Expliquer un projet de recherche peut être difficile, surtout quand on est confronté à un public non-expert ou un collègue d’un autre domaine. Avec ce projet, le PRN Evolving Language espère faire connaitre sa recherche par une plus large communauté. Quelle meilleure façon de montrer la diversité de ce consortium national ? “Ce que font nos chercheuses et chercheurs doit être mieux compris par le public, et lancer des projets comme celui-ci est un moyen innovateur et créatif de lui introduire le monde de la science,” dit Emilie Wyss, responsable de la communication au PRN Evolving Language. “De plus, les chercheuses et chercheurs ont du soumettre un texte simple présentant leur recherche, ce qui est un bon exercice pour eux.“
Voici un jeu sympa à essayer: seulement avec l’image générée, pouvez-vous deviner sur quoi porte le travail de recherche ?
Maitriser l'art du message-guide
“Même si le robot MidJourney est relativement simple à utiliser, ce n’était pas toujours facile de faire créer de l’ “art” à l’IA qui soit autant esthétique et représentatif du travail et des besoins des chercheuses et chercheurs,” raconte Célia. En effet, le robot peut avoir des réponses inattendues à certains message-guides.
Premièrement, certains mots comme fœtus sont bannis, donc le titre de certains articles ont nécessité des modifications avec des synonymes. “Cela fait que l’illustration n’est pas précisément représentatif du travail de la chercheuse ou du chercheur, mais il n’y a pas d’autre moyen.” Dans cet exemple, le mot “fœtus” a du être remplacé par “embryon”, qui ne reflète pas le même stage de développement et donc n’est pas tout à fait en accord avec le travail de recherche.
Un autre problème est que l’IA ne parvient pas à bien représenter certains mots – comme bilingue, apprentissage vocal, sémantiques ou réseau neuronal – donc ils manquent souvent aux créations. “Il y a peu de représentations visuelles de ces concepts, donc ce serait même compliqué pour des humains de les mettre en image,” révèle Célia. Pour être représentés, ils doivent être ajoutés artificiellement, en mettant des mots comme international ou pays dans le message-guide.
D’un autre côté, certains mots sont très biaisés et mènent à des illustrations qui se ressemblent : avoir le terme “relation” dans un message-guide donne dans la plupart des cas deux protagonistes face à face – même si on ne fait pas allusion à un couple. Dans ces cas, c’est mieux de reformuler, si on souhaite obtenir plus de diversité. La phrase “dans le style de René Magritte” est aussi difficile à contrôler et produit presque toujours une image d’une personne avec un oiseau sur sa tête, peu importe le reste des instructions. “Ajouter une image d’une oeuvre moins celèbre de l’artiste au message-guide, ou générer une image puis appliquer le style souhaiter sont les solutions que j’ai utiliser pour contourner cela,” partage Célia.
Commencer sur une toile vierge
Le projet “My work pictured by AI” est adapté d’un projet du Centre Suisse pour les Sciences Affectives (CISA). L’idée a vu le jour en juillet 2022 avec le Dr. Ben Meuleman, statisticien permanent du centre, avec une formation en psychologie et statistiques. “Au début, c’était seulement un project personnel. Quelques personnes venaient me voir pour que j’illustre leur thèse avec le robot MidJourney,” se rappelle-il. Ensuite, le projet a pris une plus grande envergure sous l’influence de Carole Varone, responsable de la communication du CISA. Ben souligne l’importance de la personne qui rédige les instructions sur le résultat final : “Nous choisissons les termes clés, le style spécifique à suivre, ce qui est beau… Dans ce sens, ce n’est pas seulement représentatif de ce que l’IA comprend du projet, mais aussi de l’instructeur.” Il a essayé de minimiser son influence sur les images en gardant le titre intact et en forçant rarement des éléments à apparaître.
Les travaux artistiques seront exposés dans divers lieux.