Illibrairie et Fondation Martin Bodmer

L’Illibrairie est un véritable temple dédié aux beaux livres, et dans sa vitrine est exposé un exemplaire exceptionnel du Temple des Muses, datant de 1733, orné de 60 illustrations représentant les épisodes majeurs de l’Antiquité. On y découvre de fascinantes chimères : l’hydre de Lerne aux multiples têtes, des dames se transformant en lauriers aux côtés du Minotaure, ainsi qu’un vaste éventail de dragons aux formes variées.

Alors que l’autre temple des beaux livres à Genève, le Musée Bodmer, est actuellement en travaux, l’Illibrairie a eu l’amabilité d’accueillir deux planches du livre Historiae animalium de Konrard Gessner, un naturaliste zurichois né en 1516, qui a rédigé plusieurs ouvrages scientifiques richement illustrés sur la faune et la flore.

Nous nous concentrons ici sur les chimères aquatiques. En effet, la mer, considérée comme la bordure du monde, était peuplée de créatures étranges, allant des crustacés aux poissons, dont certains atteignaient des tailles impressionnantes, comme les baleines, qui sont en réalité des mammifères.

Il est important de souligner qu’avant les grandes découvertes, la frontière entre animaux exotiques et fantastiques était très floue et sujette à diverses interprétations. Par exemple, en Étrurie (la Toscane du VIII^e siècle avant notre ère) de nombreuses représentations de lions apparaissent sur des vases et des bijoux, alors que peu d’artisans avaient réellement eu l’occasion d’en observer un. Dès lors il était difficile de déterminer qu’un lion était un animal réel alors qu’un centaure ne l’était pas, les textes évoquant ces deux types de créatures de manière similaire, les plaçant aux confins du monde connu, en Orient.

Cette difficulté à représenter des créatures peu familières a perduré longtemps: Albrecht Dürer (1471-1528) a, par exemple, recueilli le témoignage d’une personne ayant vu un rhinocéros et s’est donc basé sur une interprétation de seconde main pour le dessiner.