Parc de la Nymphe
La petite sirène du Léman
De femme-oiseau à femme-poisson Introduction par Dre. Stéphanie-Aloysia Moretti, co-curatrice du projet
Natascha De Senger, sculptrice née en Suède en 1925 et ayant fait ses études à Genève, avait son atelier à Collonge-Bellerive, juste en face d’un rocher effleurant le lac. Cela lui a donné l’envie d’y réaliser une sirène en écho à celle de Copenhague, réalisée en l’honneur du conte d’Andersen.
Si Homère parle des sirènes dans l’Odyssée, il ne les décrit pas physiquement, mais prévient le lecteur de la dangerosité de leurs chants qui attirent les marins, les font s’échouer et empêchent donc leur retour.
Ainsi, les sirènes ont fait leur apparition dans la littérature sans que les peintres aient une idée claire de leur apparence. Ils ont donc tout d’abord imaginé des créatures alliant le visage et la poitrine d’une femme au corps d’un oiseau, ce qui leur permettait de survoler les bateaux et de charmer les équipages par leur chant venant des airs.
Ovide, dans les Métamorphoses, considère que les sirènes étaient des jeunes filles amies de Proserpine, qui fut enlevée par Pluton et emmenée aux Enfers. Afin de pouvoir aller la chercher, les sirènes demandèrent aux dieux de les transformer en oiseaux. Comme d’autres créatures hybrides alliant une tête humaine à un corps animal, les sirènes sont capables de sentiments et, selon la tradition, dépitée par le fait qu’Ulysse résiste à leurs chants, elles se suicidèrent.
Si les sirènes antiques étaient des femmes-oiseaux, le fait qu’elles soient essentiellement liées à un milieu aquatique a vu leur iconographie évoluer dès le haut Moyen Âge vers une femme-poisson.
Entretien avec un expert – Jean Wagner (biologiste et licencié en histoire de l’art & archéologie, Paris)
La Sirène du Léman
Cette Sirène du Léman doit beaucoup à la célèbre statue de la petite sirène dont l’histoire est contée par H. C. Andersen. Le haut de son corps est celui d’une femme alors que le bas est celui d’un poisson, les deux parties sont très réalistes. Les sirènes sont des êtres mythologiques mi-femme mi-poisson décrits et représentés en peintures et sculptures depuis les XI-XIIe siècles. La représentation de sirènes mi-femme mi-poisson a succédé aux représentations mi-femme mi-oiseau grecques. L’association d’une partie humaine et d’une partie poisson est une situation très différente des autres mixanthropes – mot désignant un personnage un mi-humain mi-animal souvent formés d’éléments de Mammifères.
Associer un corps de femme à celui d’un poisson pose des problèmes évidents de survie sur terre pour se déplacer et sous l’eau pour respirer. L’origine des sirènes antiques suppose un parent humain et un autre aviaire, ce qui rend difficile une naissance par reproduction sexuée, comme c’est fréquemment le cas d’autres mixanthropes tels les Centaures.
On peut supposer que la sirène est le résultat d’un accouplement entre une femme et un dieu comme on le propose pour les sirènes grecques dont le père aurait été le dieu-fleuve Acheloos. Cette sirène apparaît bien différente de celles qui attirent les navigateurs par leurs chants et leur font perdre toute conscience des dangers qu’elles-mêmes suscitent, un pouvoir qu’on attribue couramment dans certains mythes aux sirènes femme-oiseau.
Entretien avec une experte – Dre. Cristina Soriano (UNIGE, CISA)
La sirène
Que ressent la sirène ? Son regard tourné vers le lointain, la rotation de son torse, ce sourire à peine esquissé… que cherchent-ils à exprimer ? Les réponses peuvent varier d’une langue à l’autre. « Longing » pour les anglophones alors que les français diront peut-être « Nostalgie ». Les Allemands pourraient évoquer « Sehnsucht », et les Portugais, peut-être, « saudade ». Tous ces mots ont quelque chose en commun, mais chacun met aussi en lumière des nuances spécifiques.
Par exemple, « saudade » renvoie au manque de quelque chose de déjà vécu, une dimension absente de « Sehnsucht ». Le sens des mots ne se laisse jamais totalement capturer d’une langue à une autre. Les traductions peuvent être fonctionnelles, mais les mots possèdent des formes multidimensionnelles uniques, propres au puzzle de leur langue d’origine.
Les langues, en effet, reflètent des visions du monde. C’est pourquoi apprendre une nouvelle langue, c’est ouvrir une fenêtre sur d’autres univers, où les expériences sont perçues et représentées de manière légèrement (ou profondément) différente.
Au Centre Interfacultaire en Sciences Affectives (CISA) de l’Université de Genève, nous étudions la signification des mots liés aux émotions pour mieux comprendre ce qui est universel et ce qui est unique dans la manière dont les humains expriment leurs expériences affectives à travers le monde.
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Textes :
- Une brève histoire de l’art, Le mythe de la sirène à travers les époques
- Le Mag des animaux, Sirène, quel est cet animal mythique ?
- Le professeur et la sirène de Giuseppe Tomasi di Lampedusa
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